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  • Photo du rédacteurmarieprokopski

Ils étaient vingt et cent..., Stanislas Petrosky



Nous vivons dans un monde qui se dit aller mal. Entre une planète qui souffre du réchauffement climatique, une population mondiale devenue tellement importante qu'elle dépasse les ressources nécessaires à sa survie, des conflits en veux-tu en voilà, il est clair que le bilan de ces dernières années est plutôt mitigé. Pourtant... Il n'y a pas si longtemps, à l'aube des années quarante, quelque part à Nord de Berlin, se trouvait un homme appelé Gunther. Jeune Allemand enrôlé de force par son père comme travailleur pour l'armée allemande, il se retrouva cantonné dans un camp de concentration réservé aux femmes, participant ainsi à la construction de celui-ci sans savoir à quoi devaient servir ces bâtiments. C'était le fameux camp de Ravensbrück. Un camp où les prisonnières (détenues politiques ou raciales) furent l'objet de sévices permanents, battues et assassinées lorsqu'elles n'étaient plus aptes au travail, qu'elles se rebellaient ou tout simplement sans raison particulière.

"L’habit ne faisait pas l’homme, j’étais un mouton, pas un loup, alors même en enfilant une fourrure de loup, un mouton ne devenait pas un prédateur."

Il est indéniable que tous les allemands n'étaient pas des SS dans l'âme. Qu'ils ne souhaitaient pas forcément cette guerre. Donc, n'adhérant pas à ce régime nazi, Gunther finira par porter à son tour le pyjama rayé. Il ne devra sa survie que grâce à son art: le dessin. C'est donc sous les traits du vieillard qu'il est devenu qu'il nous conte son histoire. Celui d'un rescapé qui pourtant se trouvait à l'époque, du bon côté de la barrière.


Résumé



Un roman noir glaçant, pour ne jamais oublier.


L'histoire d'un homme qui a vu la construction et la libération du plus grand camp d'extermination de femmes du IIIème Reich, un homme qui a vécu des deux côtés des barbelés et qui a eu la vie sauve grâce à son art.


Gunther, jeune allemand opposé au régime nazi, excelle dans l'art du dessin.

Il se retrouve promu illustrateur officiel du camp de Ravensbrück, son œil d'artiste interprète la vie et surtout la mort.




"Mes larmes coulaient et je les laissais tomber sur mon esquisse. Elles m'aidaient, je m'en servais pour estomper, diluer les gris. Du doigt j'étalais mon dégoût des hommes."

Pourquoi j’ai aimé « Ils étaient vingt et cent... » ?


Je me souviens avoir rencontré Stanislas Petrosky pour la première fois lors du salon Iris Noir Bruxelles en 2019 où, lors d'une table ronde, il m'avait scotchée en nous présentant ce petit chef d'oeuvre. Je me suis dit que c'était juste dingue qu'une personne n'ayant pas connu les affres de la guerre puisse à ce point être aussi investie ... et passionnée.

Ils étaient vingt et cent...

Mon Dieu ! Quelle belle petite piqûre de rappel. En tant qu'observateur, il va nous enfermer avec lui à Ravensbrück où, guidé sous les traits de Gunther, nous allons assister impuissants aux dégâts causés par le régime tortionnaire qui régnait dans ce centre de détention... enfin je veux dire dans ce purgatoire où près de 90.000 personnes y laissèrent la vie.


J'ai toujours eu un faible pour les narrations à la première personne. Elle me donne l'impression de m'infiltrer dans le journal intime d'un pseudo confident. On parcourt les pages sans filtres, sans pudeur. Dans ce livre on y découvre le chaos, le désespoir, l'impuissance. Ici c'est le témoignage de notre personnage principal qui est au centre de tous les débats. Il est écrit avec une telle intensité qu'on le croirait authentique... et pourtant. Même si l'histoire est basée sur des faits réels, certains protagonistes sont purement fictifs. Et c'est là que cette histoire me touche. Il émane de ces pages un travail incroyable de recherche où les personnages ayant réellement existé se retrouvent listés à la fin du livre.

Parlons à présent de cette couverture de livre qui est tout aussi poignante. N'avez-vous pas l'impression qu'elle nous attire à elle avec cette force que seule possède le temps qui passe ? Ce sépia, ce flou, ce sourire, cet enfant... car oui, il est bon de rappeler qu'à Ravensbrück il y eut énormément d'enfants incarcérés ou tout simplement nés sur place.

Puis ce que j'aime aussi à travers cette démence, cette horreur, ces esquisses sombres et tristes, c'est cette histoire d'amour qui se dessine entre Gunther et Edna. Une idylle improbable et qui fait du bien dans ce monde en déclin.

Bref, un livre à lire absolument. 240 pages qui nous aident à ne pas oublier qu'ils étaient vingt et cent...


Extraits


"Hugo Boss,cela vous dit quelque chose?

Cette grande marque à la mode que vous portez aujourd'hui...son fondateur était un Förderndes Mitglied der SS,c'est à dire qu'il était membre de la SS, il ne prenait pas part au service actif, il l'a soutenait financièrement, cet homme était un nazi, il a fait travailler des prisonniers, bien sûr il n'était pas le seul et c'est de l'histoire ancienne vous allez me dire...."

 

"J’ai lu, dans le journal Le Monde, que 51% des lycéens ignorent la signification du mot « Shoah », maintenant, vous pouvez leur expliquer, il reste encore quelques survivants…

N’oubliez jamais que la bête n’est pas morte, elle dort, son sommeil n’est pas si profond…Prenez garde à ce que personne ne la réveille…"

 

"Contrairement aux autres camps de concentration et d'extermination, le commandement de Ravensbrück "cachait" la plupart des assassinats. Dans les autres KZ, c'était sans aucune discrétion que les détenus étaient abattus. A Ravensbrück de l'extérieur, on ne se doutait de rien. Il fallait pénétrer dans cet enfer pour comprendre ce qui s'y passait réellement. Le but de cette mascarade était simplement de ne pas créer la panique chez les groupes industriels présents dans le camp. Certains, très appréciés dans l"économie du pays, n'auraient pas apprécié de savoir comment on traitait les prisonnières qui travaillaient pour eux. Même en temps de guerre, on pensait à son image de marque. Et il ne fallait surtout pas paralyser l'Allemagne en ces temps de conflit. Alors on masquait la vérité, on essayait de faire croire qu'ici ce n'était pas un camp d'extermination, mais un camp de travail."


 

"Je pris conscience que là je dessinerais plus de cadavres que de femmes vivantes. J'étais hanté par l'idée que ses femmes qui mourraient par centaines dans l'anonymat avaient eu une vie, une famille, des amis qui les avaient aimées. C'était comme si elles s'évanouissaient dans la nature, plus aucune trace d'elles sur terre. Je décidai de rendre mes dessins le plus réalistes possible, autant pour garder un souvenir de ces personnes qui tombaient dans l'oubli, que dans le but de mettre mal à l'aise ceux qui seraient appelés à regarder ces visages et ces corps torturés."


 

"Je faisais partie des témoins à supprimer... Depuis le temps que j’attendais la mort, je l’avais même implorée certaines nuits, et maintenant qu’elle était là: la peur me submergeait. Une irrésistible envie de vivre m’envahit tout entier."


Publié le 11/04/2019 chez FRENCH PULP - 246 pages

Code EAN: 979-1025105412

13,26 €


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