Quand tu ouvriras les yeux

Marie Prokopski

2 févr. 20243 min de lecture

Pétronille Rostagnat

Lorsque je suis devenue maman, je suis entrée sans le vouloir dans le cercle très fermé des inquiets. Celui où l'on ne dort plus la nuit, où l'on se ronge les ongles le jour, où l'on se tracasse en regardant les infos, j'en passe et des meilleurs.

Malheureusement, cet état empire avec les années.

D'abord on déguste avec la phase "bébé" qui est, ceci dit en passant, une excellente entrée en matière de gestion du stress. Celle où nos chérubins ont l'art de nous angoisser avec leur poussées de fièvre, l'apparition de leurs dents, leurs premières chutes ou leur (in)tolérance à la nourriture (pour ne citer qu'eux).

Le stade de l'enfance ne vaut guère mieux: intégration à l'école, nouvelles fréquentations, inconscience perpétuelle à défier le danger.

Alors imaginez quand arrive l'époque joyeuse de l'adolescence !

Dois-je vraiment vous faire un dessin ?

Qui de vous n'a jamais ressenti cette culpabilité ? Suis-je à la hauteur dans mon rôle de parent ? Ai-je pris les bonnes décisions pour mon enfant ?

« Maman, il faut cacher le corps. »

Quatrième de couverture

Depuis son divorce, Marion sombre dans la dépression. Assommée de médicaments, elle réalise à peine qu’à 16 ans, sa fille Romane a bel et bien quitté l’enfance. Jusqu’au soir où Romane rentre à la maison en état de choc. Elle vient tout juste de réchapper d’une agression, et ses vêtements sont couverts de sang. Le sang de l’homme qu’elle a tué.

Marion est prête à tout pour protéger sa fille. Même à croire à sa version des faits, qui s’émaille pourtant chaque jour de nouvelles révélations.

Mais Pauline Carel, avocate, compte bien faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé cette nuit-là.

Pourquoi j’ai aimé « Quand tu ouvriras les yeux » ?

Car c'est une histoire qui aurait pu m'arriver. Qui aurait pu happer n'importe quel parent d'ailleurs. Pétronille Rostagnat jongle en délicatesse avec la fatalité. Il y a dans cette histoire une cohérence limpide où chaque pièce du puzzle se met en place subtilement.

J'ai particulièrement apprécié la diversité des personnages.

Au départ il y a une famille recomposée. Une banale famille recomposée comme il en existe beaucoup.

Dans le rôle de la mère nous avons Marion, qui de prime abord semble être une maman dépressive. Heureusement, sa meilleure amie la douce Elodie, attentionnée et à l'écoute l'aide à tenir le cap. Pas facile de refaire sa vie quand l'homme que vous aimiez vous a trahi.

Dans le rôle du père il y a Laurent, ayant fui pour roucouler des jours paisibles avec une femme plus jeune que lui. Afin de combler son absence paternelle, il couve leur fille, Romane, 16 ans, ado dans le fleur de l'âge. Mais que dire de Romane ?

« Maman, il faut cacher le corps. »

C'est là qu'entre en jeu Pauline Carel, une avocate, mais aussi une maman venant de donner naissance à une adorable petite fille.

Manipulation, trahison, retournement de situation... tous ces ingrédients sont présents et dosés à la perfection dans ce livre. L'auteur aborde avec brio divers sujets tels le harcèlement à l'école, la prostitution, le mensonge, le suicide, la prison...

Une histoire banale qui tourne au cauchemar. Un véritable coup de coeur pour cette deuxième lecture de mon année 2024. Il est temps pour moi de découvrir les autres pépites de Pétronille car j'ai vraiment accroché à son écriture.

Extraits

"Que voulez-vous entendre ? Que je vends mon cul depuis plusieurs mois, alors que je suis mineure ? Vous pensez que je fais ça par réaction au divorce de mes parents ? Eh bien, désolée, mais non ! Je choisi où, quand, avec qui, et combien. Je n'ai pas de mac, je me fais un max de blé et tant pis si ça vous dérange. alors ouais, ce n'est pas facile tous les jours mais, tu sais quoi ? Les pigeons, ce sont mes clients, pas moi ! Je ne suis pas un victime, OK ! Et je ne dirai pas le contraire au tribunal. Ils peuvent penser ce qu'ils veulent.

C'est mon business, mes fesses, et je gère ! Je peux m'offrir ce que je veux !"

"Je ne sais pas si vous avez des enfants, mais pour eux, nous sommes capables de tous les sacrifices."

"Elle était devenue avocate pour une raison bien spécifique. Défendre les bourreaux pour mieux les abattre, quelle meilleure couverture ? Qui soupçonnerait un as du barreau toujours prêt à représenter l’indéfendable devant une cour de justice ? Trois de ses clients avaient perdu la vie dans des conditions dramatiques et mystérieuses. Pour Pauline, la prison aurait été une retraite trop douce pour ces monstres."