La forêt des ombres

Marie Prokopski

8 févr. 20223 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 déc. 2023

Franck Thilliez

Je me suis souvent demandée si les gens aimaient leur métier. S'ils travaillaient par passion ou plutôt par obligation. Car il va sans dire que certaines professions sont... comment dirais-je... assez cocasses non ? Allez, avouez... pour en arriver à devenir embaumeur il faut vraiment avoir envie de gagner sa croute. Trouver sa vocation je veux bien, mais tout de même ! On ne se réveille pas un matin en se disant: "Bon ça y est, j'ai décidé de réaliser mon rêve: je vais devenir thanatopracteur. Un peu morbide comme choix de carrière non ? À moins d'être complètement à l'ouest ou motivé par l'argent ... qui sait ? Pourtant il en faut. Et David Miller en est un. Bon d'accord, il ne respire pas la joie la vivre (c'est le moins qu'on puisse dire) mais j'ai cru comprendre en lisant la quatrième de couverture qu'il était aussi écrivain à ses heures perdues. Là, ça devenait interessant. Imaginez un peu: être recruté par Crésus en personne (j'ai nommé un certain Arthur Doffre) pour coucher sur papier un de ses fantasmes qui aurait pour but de ressusciter un tueur en série, ça devient tout de suite un peu plus palpitant non ? En y ajoutant une couverture sombre, un atmosphère glaciale, un endroit perdu au fin fond de la Forêt-Noire, le talent d'un dénommé Franck Thilliez et hop, j'avais tout en mains pour passer un bon moment de lecture.

Quatrième de couverture

Paris, hiver 2006.

Arthur Doffre, milliardaire énigmatique, est sur le point de réaliser un rêve vieux de vingt-cinq ans: ressusciter un tueur en série, le Bourreau 125, dans un livre. Un thriller que David Miller, embaumeur de profession et auteur d'un premier roman remarqué, a un mois pour écrire contre une forte somme d'argent.

Reclus dans un chalet en pleine Forêt-Noire, accompagné de sa femme et de sa fille, de Doffre et de sa jeune compagne, David se met aussitôt au travail. Mais il est des fantômes que l'on ne doit pas rappeler, et la psychose saisit un à un tous les occupants de la ténébreuse demeure cernée par la neige...

Pourquoi j’ai aimé « La forêt des ombres » ?

J'aime me perdre dans les méandres des esprits torturés de certains écrivains. Décompresser et fuir la réalité le temps d'un bon thriller. Certains sont fans de films d'horreur et bien moi, mon addiction c'est la littérature noire. J'affectionne particulièrement les huis-clos et l'ambiance anxiogène dans laquelle évoluent les personnages.

Dans "La forêt des ombres", Franck Thilliez nous entraîne dans un lieu isolé du monde, où chacun de ses protagonistes va dévoiler en douceur la face la plus sombre de sa personnalité. Nous allons faire la connaissance de David au bord du burn-out. De son épouse Cathy, belle et douce mais aussi secrète et fourbe. D'Arthur Doffre, ancien psychiatre, octogénaire cloîtré dans un fauteuil roulant suite à un accident. Et enfin d'Adeline, sa jeune assistante ou plutôt son escort girl.

Mais il y aura aussi ce fameux "bourreau 125", défunt tueur en série dont l'âme errante va nous donner quelques frissons garantis.

Tous vont cohabiter dans un chalet reculé de toute civilisation. Plongés dans une atmosphère de plus en plus oppressante, ils vont nous étouffer, nous lecteurs, par ce mélange de méfiance, de mensonges et de tromperie. Puis viendra s'ajouter la paranoïa, la violence et les silences (qui font tout autant de dégâts).

Et enfin une chute que je n'ai pas vu venir pour terminer en apothéose. Difficile pour moi de ne pas avoir aimé ce livre, même si étrangement on aurait tendance à penser à Misery ou à Shining, "La forêt des ombres" possède sa propre identité et est une véritable pépite !

Extraits

"Les lecteurs sont de bien étranges créatures, répliqua-t-il. Ils s’abreuvent de sang, se délectent devant les pires atrocités que leur servent des thrillers à deux sous… tant qu’ils ne se sentent pas concernés. Mais vous, vous avez frappé là où ça fait mal, vous les confrontez à ce qu’ils repoussent sans cesse par tous les moyens. Leur propre mort, cette réalité du corps pourrissant."

"La lecture, elle, reste ma seule réalité. Je la sens, je la palpe, je la renifle. Les mots glissent sur mon palais, me retournent le cerveau, semblables aux drogues les plus puissantes.."

"La femme fracassa le test de grossesse contre une poutre du grenier.

Résultat positif. Son monde s’écroulait.

Tête baissée, pieds nus, elle errait sur le plancher, s’écorchant les talons sur des échardes. Peu importait le sang. La douleur était ailleurs.

Trahison.."