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  • Photo du rédacteurmarieprokopski

Treize marches, Kazuaki Takano


Si je ne me trompe, parmi les pays dits démocrates, le Japon (et certains des États Unis d’Amérique) sont encore les seuls à ce jour à appliquer la peine de mort. Au pays du soleil levant, c’est par pendaison que les condamnés terminent leur course fatale, après avoir franchi les treize marches les menant à leur potence. Pourtant, préalablement, on dit aussi que 13 étapes doivent être validées par l'administration pénitentiaire avant chaque exécution. Histoire d’être en paix avec son âme ? Jusqu’où peut-on pousser la barbarie sinon que de ne pas prévenir le condamné du jour de son exécution ?

Dur dur d’être gardien de prison dans le couloir de la mort. Je vous le dis moi ! C’est un art que de pouvoir vivre avec ses insomnies lorsque l’on actionne le mécanisme funeste conduisant un condamné de vie à trépas.

Sauf peut-être lorsque l’on s’appelle Shôji Nangô et que l'on est pour la peine de mort.


Résumé


Ryô Kihara, trente-deux ans, est condamné à la peine capitale. Il a déjà passé sept ans dans le couloir de la mort sans connaître la date de son exécution, comme le veut la loi japonaise. Bien qu'amnésique au moment du procès, il a reconnu sa culpabilité. Un matin, il entend les gardes venir chercher son voisin de cellule pour l'exécuter. Traumatisé par les hurlements, Kihara a soudain des flashes, comme si son amnésie se dissipait : il se revoit en train de gravir un escalier, dix an plus tôt. Il décide d'écrire à son avocat.

Jun'ichi Mikami, vingt-sept ans , a été incarcéré deux ans pour homicide involontaire. Remis en liberté conditionnelle, il croise celui qui était son gardien de prison, Shôji Nangô, qui s'occupe aussi de la réinsertion des anciens détenus. Ce dernier lui propose de l'aider à prouver l'innocence d'un certain Ryô Kihara. Voyant un moyen de se racheter aux yeux de la société, Jun'ichi accepte...

Un thriller au suspense savamment distillé. Une plongée angoissante dans le système judiciaire japonais. Saisissant.”




Pourquoi j’ai aimé « Treize marches » ?

C'est simple, car il m'a perturbée ! Je commencerais par dire que ce livre est absolument différent de tout ce que j’ai pu lire dans le monde du thriller à ce jour. Je vous passe le chapitre des noms (et prénoms) que l'on a difficile à retenir, ceci n'étant qu'un détail futile de mon agacement. En toute honnêteté ça n'a pas freiné ma lecture. Mais j'ai évolué au fil des pages comme dans ces films d’horreur où tout est trop “propre” et “organisé” (ça ne m'étonne pas que Marie Kondo provienne du Japon !).

L'écriture est à l’image de ce peuple nippon: structurée, formelle, méthodique, posée et sans détours. Oui, rien que ça ! Aucun dérapage à l'horizon. Pas de bains de sang pour nous écoeurer et nous faire entrer dans cette triste réalité carcérale mais à contrario du psychologique et de sous-entendus sans réponses. Triste constat: les japonais ne se dévoilent pas. Je me suis demandée tout au long du livre si Kazuaki Takano était pour ou contre la peine de mort et quel message il voulait nous faire passer ? Je serais ravie de connaître votre avis à ce sujet car pour ma part, je n’ai pas réussi à percer le mystère.

Plus transparent que ça tu meurs ! La farandole des questions est lancée: où se positionner ? Vengeance ou pardon ? Réhabilitation ou punition ? Ce roman est lent. Il nous happe dans des réflexions où l'on ose émettre un avis. C'est incroyablement judicieux que de nous ouvrir les portes de cet univers si fermé, comme si nous étions des témoins privilégiés de ce débat qui tourne autour de la peine de mort.


Extraits

La Mort arrive à neuf heures du matin.

Ryô Kihara le savait. Une fois seulement, il avait entendu ses pas.

Ce jour-là, il avait entendu le bruit sourd d’une porte en métal grinçant sur ses gonds, semblable au grondement du tonnerre. Quand l’air avait cessé de vibrer, l’atmosphère dans sa cellule avait changé du tout au tout. Les portes de l’enfer s’étaient ouvertes, et le véritable effroi, celui qui ne laisse même pas le corps frémir, s’en échappa. Le couloir silencieux résonna bientôt d’une multitude de pas : une file de gardiens avançait, plus longue et plus rapide que Kihara ne l’aurait imaginé.

- Ne vous arrêtez pas !

Le prisonnier était incapable de regarder la porte. Assis, comme il se doit, à genoux au milieu de sa cellule de confinement, il fixait ses doigts tremblants sur ses cuisses.

- Ne vous arrêtez pas, par pitié !

Une puissante envie d’uriner afflua dans son bas-ventre. Plus les pas approchaient, plus ses genoux tressautaient. Il ne pouvait empêcher sa tête trempée de sueur de s’incliner vers le sol.

Le bruit des semelles battant les carreaux du couloir s’intensifia. Jusqu’à atteindre sa cellule. En quelques secondes son cœur sur le point d’éclater fit circuler son sang à une vitesse folle, au même rythme que les poils se dressaient sur sa peau.

La procession ne s’arrêta pas.

La Mort dépassa sa porte, fit encore neuf pas, puis marqua un temps d’arrêt.

Le temps de comprendre qu’il avait la vie sauve, Kihara reconnut le glissement d’une trappe de surveillance, puis le cliquetis d’un verrou métallique. Il devait s’agir non pas de la cellule voisine, mais de la suivante. Une voix grave appela :

« Numéro 190, Ishida. »

La voix du surveillant-chef ?

« C’est l’heure. Sors. »

En guise de réponse, un cri affolé.

« Hein ? Moi ?

Oui. Suis-nous.”

 

D'un côté, les japonais veulent punir de mort les criminels foncièrement inhumains, de l'autre, ils voient d'un œil mauvais ceux qui parlent ouvertement de le faire. C'est ça qui est sournois chez ce peuple qui cloisonne autant ce qu'il pense et ce qu'il montre aux autres.”

 

“Jun'ichi posa une question qui le taraudait depuis longtemps :

- Est-il vraiment possible de juger du repentir d'autrui ? Est-ce que quiconque peut savoir si un criminel se repend sincèrement ?

Un léger sourire aux lèvres, Sugiura répondit :

- La jurisprudence montre que les critères de jugement sont nombreux : si les indemnités accordées à la famille de la victime sont importantes ou non, si l'accusé a versé des larmes devant la cour, s'il a monté un autel dans sa cellule et s'il prie devant tous les jours...

- Honorer l'âme de la victime ne la fera jamais revenir. Et puis, si on est jugé sur ce genre de choses, cela veut dire que les riches à la larme facile s'en sortent mieux que les autres, non ?


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